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L'interview de Philippe Chanteloup, illustrateur.

L'interview de Philippe Chanteloup, illustrateur.

Publié le 19 Avril 2024 par Webzine architectureWebzine arts-graphiquesWebzine photographieWebzine imprimerieWebzine communicationWebzine événementielWebzine audiovisuelWebzine multimediaWebzine marketingWebzine mediaWebzine juridique
Découvrez l'interview de l'illustrateur Philippe Chanteloup, qui a accepté de livrer pour nous son parcours et les bouts de vie qui le constitue aujourd'hui.

Bonjour Philippe, pouvez-vous nous dire comment vous est venue votre passion pour l’illustration et comment en avez-vous fait votre métier ?

Mon père et deux de mes oncles étaient ce qu’on appelle communément des peintres du dimanche. Mon paternel possédait une solide connaissance de l’histoire de l’art, de la musique, la littérature et du cinéma. J’ai donc gribouillé très jeune. Auprès de mon papa, j’ai appris les bases, triturant les tubes de peinture, jouant de la plume et du pinceau. Ainsi, vers mes 10 ans, je recopiais du Gustave Doré et du Jean Giraud sur des grandes planches de canson.

L’année de mes treize ans, un ami de mon père, archiviste au journal « La Presse de la Manche » et qui connait mon petit talent me propose de produire des sets de table pour un restaurant. Et on me paie pour ça. En 1978, 500 francs sont une somme conséquente pour un gamin et une petite fierté que les adultes fassent appel à mes services.

A cette occasion, je découvre le monde de l’imprimerie qui me fascine immédiatement. Rapidement adopté par les ouvriers, j’apprends tous les secrets de l’offset, et commence à fournir aussi des dessins pour le journal local, où je traine de la salle de rédaction à l’atelier des rotatives. Inévitablement, les études m’ennuient mortellement, et je privilégie l’exercice pictural tous azimuts. Je fournis les syndicats (de gauche of course) en dessins satiriques, les curés communistes de la paroisse en illustrations engagées et produis mes premières commandes de portraits à l’huile, que mon vieux papa finalisent parfois.

Dix huit ans, le devoir national m’envoie en Allemagne. Je refuse de bosser pour les services de com de l’armée. Cette triste année me conforte dans mes choix, ma réalité est ailleurs, et de retour à la vie civile je décide de consacrer ma vie au dessin. Je passe un an chez mes parents à consolider mes techniques : dessin, peinture, aquarelle. Les genres également, le cartoon, le réalisme, la com et je brûle régulièrement mon travail dans le jardin familial. Dans ma chambre d’enfance, je m’échine jour et nuit. Un calicot accroché au mur sur lequel j’ai torché au pinceau « Point de désespoir, ni de renoncement. Recommence ». Je quitte la bienveillance de mes parents l’année de mes 20 ans pour vivre et travailler dans mon premier atelier.


Pouvez-vous nous dire comment puisez-vous l’inspiration ?

A l’inspiration, je préfère le propos, le contenu ou encore l’idée. Pas de message, je laisse cette approche aux prophètes. Que ce soit une commande pour la com d’entreprise, ou les illustrations d’un projet littéraire, l’image se doit pertinente. Idem pour la BD, le dessin animé ou le poster politique. L’artisan se doit interprète, se retrancher derrière l’exercice et se mettre au service de l’histoire qu’il se doit de raconter. Auteur de sa propre création ou prestataire, le peintre illustrateur s’adresse à un public large. Et si la compromission n’est pas de mise, la tambouille intellectuelle et narcissique non plus. De fait, il s’agit de regarder, voir, scruter le monde et les gens. D’observer la nature, la beauté d’une femme nue, l’horreur d’un corps d’enfant mutilé par la barbarie guerrière. Alors, les images s’imposent, elles abondent et réclament à exister. Et selon la nécessité, deviennent dessins de presse, peintures, illustrations, BD ou films d’animation.

Il est nécessaire de s’oublier pour créer l’image honnête et fidèle, au plus proche du propos et choisir avec soin le médium qui la servira au mieux. La réflexion plutôt que l’inspiration.

Quel est le procédé que vous préférez utiliser pour réaliser vos illustrations ?

Avec 48 ans d’exercice au compteur, et les multitudes d’opportunités de travail, j’ai abordé tous les supports possibles, avec la même curiosité et un plaisir constant de la découverte. De la complexité de l’huile au bluff numérique, le but est de produire de l’image. Fixe ou animée.

J’apprécie autant de crayonner un « gros pif » que de soigner une lumière pastel sur la courbe d’un sein. Il en va de même pour les supports.

Si le numérique apporte un confort avec ses retours en arrière possible, la concentration nécessaire pour la réalisation d’une aquarelle qui, elle, ne pardonne aucune erreur, sous peine de finir à la poubelle est tout aussi plaisante. La patience pour les huiles, le temps de séchage et l’impatience d’avancer. La liberté du dessin aux traits, premier amour de l’enfance.

L’image est un univers vaste, un monde sans limite à explorer. Pourquoi s’interdire les expériences et se contenter d’être un spécialiste. Peu importe le procédé, le métier reste le même, créer des imaginaires, des voyages. Transmettre de l’émotion et s’amuser, prendre du plaisir à faire les choses, se remettre en question, prendre des risques et observer dans le regard des autres un certain bonheur devant votre travail. Des mains peintes dans les grottes ancestrales aux crobars gribouillés sur un coin de nappe, le dessin est magique, multiple, humain.


Quel serait le type de projet que vous rêveriez de faire ?

Le rêve qui devient réalité, je l’ai effleuré du bout des doigts. A sept ans, on m’a offert un petit projecteur en plastique rose et des bobines de films : des extraits de Disney. J’ai très vite explosé le projo afin d’examiner à la loupe les bobines, image par image : une révélation.

Vers dix ans, au cinéma associatif de quartier, tenu par les potes de mon père je vois « Le roi et l’oiseau » de Grimaud et Prévert : la claque. Dans ma caboche de gosse, c’est décidé, je ferai comme eux quand je serai grand. D’autant qu’à cette époque je croisais le vieux poète quasi tous les jours. Il faisait ses courses à la supérette du village, son éternel mégot au bec. A l’adolescence, avec un copain, on fabriquait une camera multiplans. Oui, un rêve dingue de mioche.

Bien plus tard, avec une équipe de fous furieux, nous avons tentés de produire du film d’animation long métrage. De vraies fables pour adultes, loin des mièvreries infantiles. De longues années d’abnégations et d’efforts. Des rencontres magnifiques avec des producteurs et artistes russes, polonais, québécois, irlandais et anglais. La loi du marché, la frilosité des investisseurs nationaux et la médiocrité des acteurs du secteur en France ont eu raison de l’aventure. Cependant, si la finance a liquidé cette maison de production, l’envie est intacte, et dans ce sens, actuellement, nous travaillons avec le studio 020 de St Malo, sur des projets, et quand bien même les difficultés de financement sont toujours d’actualité, la détermination est toujours aussi ferme. (Si des investisseurs motivés lisent cet article…)

Quels sont les messages que vous souhaitez véhiculer à travers vos traits ?

Comme je le précisais précédemment, je n’ai rien d’un messager. Je laisse ça aux prétentieux, aux illuminés ou autres déments. La liberté seule m’importe et me motive. Le chemin est accidenté, difficile et le quotidien est parfois aléatoire. Mais je n’ai de compte à rendre qu’à mes pinceaux, et rien ne remplace la satisfaction de mettre son nom au bas d’une image réussie.

Le travail de commande, qui est une contrainte positive, est également très valorisant. Les visages des commanditaires lors qu’ils découvrent leur projet finalisé est un petit bonheur sans cesse renouvelé. Certains ont les yeux de l’enfance, d’autres versent une larme d’émotion, ce sont là mes médailles du mérite. Peu d’activités humaines procurent ces instants, des parenthèses dans le temps. La révolution technologique de l’IA décime déjà la profession, c’est une mascarade. Une bouillie infâme et sans âme. Je continuerai de m’emparer d’un charbon de bois pour dessiner sur les falaises de mon enfance et raturer de couleurs vives tous les ciels gris.

Infos Complémentaires :


Retrouvez le profil de Philippe Chanteloup ici.

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